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Légumineuses à graines En quête perpétuelle de compétitivité

Malgré une consommation croissante des produits à base de légumineuses, la filière peine à rendre viable la production de ces cultures. De quels leviers dispose-t-elle pour y remédier ?

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« Depuis 2020, la demande de la part des consommateurs est en hausse : des innovations ont permis l’arrivée de nouveaux produits entraînant une augmentation de la consommation en grandes surfaces et en restauration collective », exposait Gilles Robillard, président de Terres Inovia, à l’occasion d’un colloque sur les légumineuses à graines, organisé par l’institut technique à Paris début novembre.

100 M€ investis en R&D

Mais cette hausse de la consommation ne s’accompagne pas dans les faits d’une augmentation de la production française. Depuis 2018, la surface des légumineuses à graines stagne autour des 500 000 hectares. Avec, en tête, le soja et le pois (63 % des surfaces pour les deux), suivis de la féverole (23 %), de la lentille (7 %), du pois chiche (6 %) et du lupin (1 %). Ce manque de dynamisme s’explique en particulier par des aléas climatiques importants et une forte pression des bioagresseurs et des maladies. Le tout pouvant générer un risque pour le producteur.

« Afin de faire changer le regard des producteurs sur les légumineuses, nous devons investir à long terme dans la R&D. C’est pourquoi près de 100 M€, dont 50 % d’aides publiques, ont été mis sur la table pour encourager des démarches territoriales et structurer des filières », poursuit Gilles Robillard. En tout, huit démarches sont en cours d’élaboration grâce à l’implication de près de 300 partenaires pour des projets d’une durée de trois à six ans.

Raisonner marge rotationnelle

Entre 2015 et 2022, Terres Inovia a mené des essais pour évaluer la compétitivité du pois et de la féverole en remplacement des céréales à paille en précédent du blé. Ces années-là, « de 13 à 25 % de la sole française de blé a eu pour précédent une céréale à paille », révèle Vincent Lecomte, chargé d’études technico-économiques chez Terres Inovia.

Si la marge annuelle générée par les légumineuses est inférieure à celle des céréales, « la marge rotationnelle (en €/ha/an), qui comprend l’effet précédent et l’effet à la rotation, affiche des résultats intéressants ». En corrigeant les résultats, le rendement du pois augmenterait de 10 q/ha pour un gain de rentabilité de 70 à 100 €/t. « Néanmoins, il manque encore 50 à 60 €/t pour que le pois soit compétitif par rapport à une céréale à prix de vente constant », précise le spécialiste. Selon les bassins de production, les résultats varient. Ils sont plus prometteurs dans des zones à potentiel agronomique intermédiaire. Du côté de la féverole, le raisonnement en marge rotationnelle offre un gain de + 10 q/ha par rapport à celui en marge annuelle. Cette fois-ci, le seuil de compétitivité est dépassé dans les zones à fort potentiel agronomique (Ouest et Nord).

« Pour réduire la prise de risque associée à la production de légumineuses à graines, des leviers économiques visant leur insertion pérenne dans les assolements doivent donc être intégrés », affirme Vincent Lecomte.

Former les techniciens

« Pour des cultures à faibles volumes qui présentent encore un certain nombre de risques et d’incertitudes, comme c’est le cas des légumineuses, la contractualisation est un levier de structuration et de coordination sur les marchés », indique Marie-Benoît Magrini, chercheuse en économie à l’Inrae. C’est pourquoi certaines structures s’organisent pour l’instauration de filières. L’association Fileg œuvre, par exemple, à la structuration d’une filière à l’échelle d’une région : l’Occitanie.

« Nous misons sur la formation d’une cinquantaine de techniciens et de conseillers de coopératives, négoces et chambres d’agriculture, ainsi que sur la cartographie des outils de stockage, de tri et de transformation présents sur le territoire », fait savoir Cyrielle Mazaleyrat, coordinatrice de Fileg. La consultation de l’ensemble des acteurs, à l’aide d’un comité d’orientation, a permis de constituer la feuille de route 2025-2027.

Contractualiser pour sécuriser

De son côté, Axéréal incite au retour de la culture du pois grâce à deux dispositifs. D’abord l’accompagnement des agriculteurs, puis l’intégration des légumineuses dans les rotations, au moyen du programme CultivUp régénératif. L’objectif ? « Sécuriser, dans un premier temps, la production d’un point de vue agronomique et économique », explique Pierre Toussaint, directeur agronomie, transitions et innovation de la coopérative. Un club d’ambassadeurs a été créé pour « le partage des bonnes pratiques entre agriculteurs expérimentés et nouveaux entrants » ainsi que la « définition d’un programme d’expérimentation agronomique, la culture de pois ayant été désinvestie au fil des années ».

La présence de l’industriel Intact, dont la construction de l’usine à Baule (Loiret) s’est terminée fin 2025, est aussi sécurisante. « Près de 30 000 t/an de protéines végétales issues de pois et de féverole sortiront de l’usine pour développer un marché à proximité », rappelle le directeur. Côté amont aussi, les coûts de production des agriculteurs ont été sécurisés à l’aide d’un partenariat avec l’assurantiel Bessé.

« La mise en place de filière sous contrat, telle que celle-ci, favorise une relation de confiance entre acteurs, permet l’apprentissage ainsi que la pérennisation des productions », conclut Marie-Benoît Magrini.

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